Le dollar ne fait pas de sentiment. Face à lui, l’euro n’a pas résisté : pour la première fois depuis deux décennies, la monnaie unique touche un plancher inédit. Deux fois, l’été dernier, la chute s’est confirmée, et la glissade ne semble pas près de s’arrêter. L’économie de la zone euro s’en retrouve fragilisée, tandis que certains analystes entrevoient une dépréciation qui pourrait s’installer durablement. Entre inquiétudes et interrogations, une question s’impose : quelle devise domine vraiment, aujourd’hui ? Et jusqu’où la faiblesse de l’euro face au dollar peut-elle peser sur notre quotidien ?
Pourquoi l’euro décroche face au dollar ?
Depuis mars 2022, le contraste entre la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (FED) n’a cessé de s’accentuer. D’un côté, la Fed a rapidement relevé ses taux directeurs pour contrer l’inflation galopante ; de l’autre, la BCE a longtemps temporisé, se refusant à modifier sa politique monétaire. Résultat : les investisseurs se sont massivement tournés vers le dollar, jugé plus rémunérateur et sécurisant. L’écart de rendement s’est creusé, renforçant encore la suprématie du billet vert.
L’inflation, elle, s’est bel et bien installée dans la zone euro, au point de forcer la BCE à envisager une hausse de taux de 0,75 %. Face à l’ampleur des disparités entre les différents pays membres, l’institution européenne doit désormais orchestrer une politique monétaire capable d’enrayer la volatilité et de préserver un minimum de stabilité. L’une des stratégies envisagées : l’approche « Stop & Go ». En clair, suspendre toute intervention lors d’une récession prévue pour début 2023, puis réactiver les leviers monétaires dès que la reprise pointera.
La guerre en Ukraine est venue tout compliquer. Les sanctions prises contre la Russie, notamment sur le gaz, ont provoqué une crise énergétique aiguë. Conséquence directe : les capitaux fuient vers les États-Unis, perçus comme un havre de stabilité. Le dollar prend alors une longueur d’avance, tandis que l’euro s’enfonce.
Ce faisceau de décisions et de circonstances explique la dépréciation persistante de la monnaie unique face au dollar américain.
Des effets concrets sur l’économie européenne
La faiblesse de l’euro laisse des traces immédiates sur l’économie du continent. L’Europe importe plus qu’elle n’exporte, et la moitié de ces importations se négocient en dollars. Concrètement, cela signifie que chaque fluctuation défavorable du taux de change se répercute sur les prix payés par les entreprises et, in fine, par les consommateurs.
Le dollar sert aussi de monnaie de référence pour l’achat de matières premières stratégiques comme le gaz ou le pétrole. Avec la guerre en Ukraine, le coût de ces ressources explose, rendant la facture énergétique européenne encore plus salée. Les entreprises européennes voient leur compétitivité mise à rude épreuve à l’international. Le pouvoir d’achat des ménages se retrouve, lui aussi, sous pression : acheter à l’étranger coûte soudain beaucoup plus cher.
L’euro peut-il rebondir face au dollar ?
Pour tenter de freiner la dépréciation de l’euro, la BCE n’a pris aucune mesure spectaculaire. L’objectif affiché reste la stabilité de la monnaie unique face aux principales devises mondiales, dollar en tête. Tant que l’inflation ne dépasse pas 2 % à moyen terme, le Conseil des gouverneurs estime qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer.
Néanmoins, depuis l’été 2022, la BCE a engagé un processus de normalisation de sa politique monétaire. Les projections sont claires : une inflation annuelle estimée à 6,8 % en 2022, une décrue attendue à 3,5 % en 2023, puis un retour à 2,1 % en 2024. Ce calendrier dessine une forme de plan de route, mais laisse peu de place à l’imprévu.
Face aux autres devises, quelle résistance pour l’euro ?
La baisse de l’euro n’est pas généralisée. Face à certaines monnaies, la situation reste stable, c’est le cas de la livre sterling, par exemple. Mieux encore, l’euro a gagné 10 % face au yen japonais depuis janvier 2022. Autant de signaux qui rappellent que la monnaie unique n’est pas condamnée à la déroute sur tous les tableaux.
L’histoire n’est pas écrite d’avance. L’euro trébuche, le dollar parade, mais les équilibres monétaires s’ajustent sans cesse, au gré des crises et des décisions politiques. Qui sait quelle devise dominera la prochaine décennie ? Pour l’instant, le dollar avance d’un pas ferme, mais l’échiquier mondial réserve toujours ses surprises.

